Elle a ouvert la voie de l’handi apnée en France. A 47 ans, Servane Barbot, adhérente au Sporting Club Surgerien Plongée (SCS) participera aux tout premiers championnats mondiaux d’apnée et de nage avec palmes pour personnes en situation de handicap du 16 au 20 novembre, en Italie.
Servane Barbot est une championne d’apnée et sa réussite, elle la doit en grande partie à sa persévérance.
Atteinte d’une myopathie depuis l’âge de ses 20 ans, sa mobilité se dégrade. Seules l’apnée en statique et en dynamique lui permettent de maintenir un état de santé convenable.
En 2014 c’est comme une révélation, on lui propose de mettre la tête sous l’eau pour travailler son souffle. Elle adore et s’y adonne avec joie pendant un mois lors de ses séances de balnéo. En 2016, cette ancienne bibliothécaire quitte la capitale et vient s’installer dans la cité maritime. Elle toque à toutes les portes des clubs mais la tâche s’avère plus compliquée que prévu.
Surgères lui ouvre ses portes
L’handi apné nécessite un accompagnement encadré par des certifications et tous les clubs n’ont pas reçu la formation adéquate. “C’est déjà compliqué de trouver un club d’apnée, mais encore plus lorsqu’on est handi, souligne-t-elle en montrant le fauteuil qui lui permet de se déplacer quotidiennement. J’ai appelé tout le département et même la région pour trouver un club.”
C’est finalement à Surgères qu’on lui ouvre les portes. Le club de plongée et Patrice Debonne Georges, unijambiste, se plient en quatre pour Servane. Le club surgérien réalise toutes les démarches administratives pour ouvrir une section handi et offrir à Servane des conditions d’entraînement optimales.
“Se détacher du monde”
En immersion sous l’eau, en statique ou en dynamique, Servane est en osmose complète.
“On dit qu’il faut être détendu pour faire de l ‘apnée et bien moi c’est le contraire, c’est l’apnée qui me détend. Ça me permet de me détacher du monde et d’être en communication avec moi-même”, assure l’athlète.
Piscine d’été oblige, l’hiver c’est à Palmilud que les entraînements ont lieu. En raison de la fermeture de l’établissement, cette année c’est la piscine de Châtelaillon-Plage qui va le recevoir. Mais Servane est avant tout à l’écoute de ses envies pour organiser ses entraînements dans l’eau. “C’est une fois par semaine habituellement ou seulement une fois par mois quand j’ai la flemme, quand je n’ai pas froid ou que je ne suis pas fatiguée à cause de ma pathologie”, assume-t-elle.
Son secret ? L’entraînement hors de l’eau. Tous les jours c’est au minimum une heure d’entraînement à sec, sans les contraintes du froid de l’univers chloré.
Une inscription semée d’embûches
Depuis juillet 2011, la FFESSM (Fédération française d’études et de sports sous-marins) et la Fédération française handisport ont signé un accord pour faciliter l’accès aux personnes en situation de handicap.
Pourtant, depuis son fauteuil, Servane et son coach Patrice rencontrent des obstacles. Tous deux rêvent d’Italie depuis la sélection de Servane aux Championnats de France à Saint-Raphaël avec sa performance en 5’20” en statique à Agen.
Les courriers et les mails n’en finissent pas. A la mi-octobre, les trois fédérations permettant la pratique des activités subaquatiques (FFESSM, FFSA et FFH) ont décidé ensemble de ne pas envoyer d’athlètes à ces premiers championnat diu monde d’apnée et de nage avec palmes. Cette décision reçue par e-mail prive donc les athlètes handi français de Championnat du monde.
“Les fédérations svont envoyer des observateurs afin de préparer au mieux les compétitions à venir”, conclut la Fédération française de handisport (FFH).
“ Les fédérations souhaitent développer le handisub, mais il nous faut des compétitions nationales avant de pouvoir prétendre aux championnats internationaux”, souligne Servane.
Dernière semaine d’octobre, Servane s’était résout à annuler les moyens mis en place pour son départ en compétition.
« J’avais tout annulé : voyage, accompagnatrice, sophrologue et préparateur mental… Être handicapée c’est vraiment toute une logistique. Même pour simplement prendre le train », explique Servane.
Cependant le message d’un certain Michel Gaunard en réaction à une publication Facebook de Servane ramène une lueur d’espoir. « Ne vous inquiétez pas on va tout faire pour vous accueillir. Les inscriptions individuelles seront acceptées.
Nouvel espoir
Michel Gaunard n’est autre que le président du comité des sports de la Confédération Mondiale des Activités Subaquatiques (CMAS).
Quelques jours plus tard, en effet, la CMAS, organisatrice de l’événement accepte les inscriptions à titre individuel afin de faire profiter tous les pays de cette opportunité de participer à ces premiers mondiaux handi apnée.
« Pour participer à des championnats du monde, il faut être sélectionné et faire partie d’une équipe de France. Ce qui ne peut être notre cas, car nous n’avons pas d’équipe handi apnée. L’handi apnée n’est pas répandue en France et elle vient seulement d’être acceptée l’année dernière par la fédé« , précise Servane.
La persévérance récompensée
Ce sont les premiers mondiaux et grâce à cette ouverture des inscriptions à titre individuel, « tous les autres pays ayant cette même problématique que la nôtre, pourront accéder librement aux mondiaux sans pour autant avoir des athlètes sélectionnés et constituant une équipe« .
Malheureusement, les personnes handicapées font partie d’un vide juridique dans certaines disciplines sportives.
Après tout ce combat et ces incertitudes, Servane est récompensée de sa persévérance.
« Il y a une semaine, et dans ce contexte administratif, juridique et politique délicat , la Fédération Française des Études des Sports Sous-Marins (FFESSM) m’assure de son soutien . Et la délégation est officiellement inscrite depuis hier soir et participera donc à l apnée et la nage avec palmes à travers toutes les épreuves » nous annonce Servane le 7 novembre dernier.
Puis de conclure : « Grâce au soutien de la FFESSM, nous aurons la fierté de participer à ces tous premiers championnats du monde d’apnée et de nage avec palmes. A ce jour, 4 pays sont représentés, 85 athlètes sont attendus. »
Une cagnotte en ligne pour soutenir l’équipe est disponible sur helloasso
Son palmarès
- Championne inter-régionale Occitanie – Nouvelle Aquitaine 2023 d’apnée statique.
- 11ème performeuse nationale et première sportive handicapée à se qualifier en finale de championnat de France d’apnée avec un temps de 5’20’’ d’apnée statique.
- Meilleure performance Handisub d’apnée dynamique sans palmes avec 31m70 en 3’20’’ d’effort.
Document remis. Photo Anne Bellancourt
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