Le 5 juillet 2022, le jeune soldat Louis Tinard, originaire de La Rochelle, s’est donné la mort avec son arme de service, au sein du 61e régiment d’artillerie de Chaumont (Haute Marne). Depuis ce drame, ses proches ont lancé une pétition pour faire évoluer la prévention et la prise en charge des risques psychosociaux dans l’armée et son encadrement

Dans ses yeux bleus clairs, noyés par les larmes, Sophie Clément, la mère de Louis Tinard le martèle : “Ce drame aurait pu être évité”.

Ce 5 juillet 2022, alors qu’elle vit sur l’île de Madère, son téléphone sonne. Son fils unique, Louis, jeune soldat de 20 ans, vient de retourner son arme de service contre lui au cœur de l’enceinte militaire du régiment de Chaumont, en Haute-Marne. La descente aux enfers commence. “Il était si avenant, l’armée il avait une envie folle de s’y engager”, se souvient sa mère, tout en pudeur.

LouisTinard, Rochelais. Ses parents ne comprennent pas son sucide alors qu’il était militaire. Photo https://freresdarmesetdesilence.fr/

Engagé depuis deux ans au sein du 61e régiment de Chaumont, Louis n’a pas vécu son premier contrat comme il l’avait imaginé. Très tôt d’ailleurs, ses proches ressentent chez lui un malaise. A travers les appels et les messages, Louis exprime son mal être. “Il était devenu le bouc émissaire, l’homme à abattre », avance sa mère. « Jusqu’à la veille de son suicide, il avait prétendu que son père était malade pour rentrer. Il voulait quitter son contingent. Lors d’un exercice et devant ses camarades et supérieurs, Louis, en profonde détresse avait prévénu : si vous me donnez une arme, je me suicide.”

Après le choc et l’annonce du suicide de Louis, une enquête en interne est menée.

Justice et prévention

“Pour moi, Louis était comme mon fils », souligne Yann Tinard, l’oncle du jeune soldat et papa de deux filles. « On partait en vacances ensemble. C’était mon fils de cœur. Après son décès, j’ai lu l’ensemble des auditions et j’ai pointé des incohérences avec le résultat des enquêtes. Je me suis épris de justice.”

Cadre chez EDF, Yann Tinard, avec l’aval des parents -Sophie Clément et Frédéric Tinard – se jette à corps perdu dans les liasses de dossiers avec une méticulosité hors pair.

Plainte au pénal

La famille porte plainte pour homicide involontaire aggravé. Une nouvelle enquête est ouverte mais elle est classée sans suite.

En 2022, la famille crée alors l’association Frères d’armes et de silence. “L’objectif pour nous était de donner plus de poids à notre démarche et faire aussi parler d’autres Louis en souffrance. Ce que l’on n’a pas pu faire pour lui, on s’est dit que l’on pourrait le faire pour d’autres”, appuie Yann Tinard.

Louis Tinard, Rochelais, avait 20 ans. Photo https://freresdarmesetdesilence.fr/

Esseulée, démunie, la famille ne jette toutefois pas les armes et mobilise toutes ses forces en portant plainte avec constitution de partie civile cette fois-ci, en 2024.

Un livre blanc des dysfonctionnements

En parallèle, l’oncle se lance dans la rédaction d’un livre blanc en début d’année 2024. Il y dresse un état des lieux de ce qui fonctionne ou non dans l’armée en termes d’encadrement psychologique des soldats, mais aussi des encadrants. “Ce livre blanc a été envoyé aux 925 parlementaires (députés plus sénateurs NDLR) ainsi qu’aux commissions militaires et pourrait aider à nourrir une proposition de loi en faveur d’un meilleur accompagnement psychologique des militaires”, détaille Yann Tinard.

En mai dernier, la sénatrice de l’Essonne, Jocelyne Guidez interpelle le parlement sur le harcèlement et les sévices dans l’armée. 

Pour que l’affaire ne tombe pas aux oubliettes, la famille est à l’origine d’une pétition lancée sur les réseaux afin d’appuyer une lettre ouverte envoyée à une commission d’enquête parlementaire. Plus de 1000 signatures ont été collectées.

Vers une plaque commémorative à La Rochelle ?

“On n’a pas de colère. On a de la détermination », exprime Yann Tinard, bien résolu à aller jusqu’au bout. « Nous souhaitons que la responsabilité des encadrants soit sanctionnée.”

Enfant de la cité maritime, Louis Tinard était profondément attaché à sa ville. “Nous avons contacté le conseil municipal pour que la ville lui rende un hommage, une plaque ou un banc.” Une manière de continuer de faire vivre Louis ailleurs que dans leur mémoire.