Il y a environ six ans, Gérald Todaro, lecteur de La Rochelle info a écrit un texte à quatre mains avec José, son défunt frère.
A La veille du premier tour des législatives, cette lettre « c’est un coup de gueule » qu’il revendique haut et fort, « du fond de ses tripes » après les récentes actualités relatant des faits d’homophobie qui l’ont bouleversées. « c’est inadmissible que l’on puisse inciter à l’homophobie » nous a-t-il dit avec beaucoup d’émotion et de colère au téléphone.

Gérald, par ailleurs restaurateur dans le quartier de Laleu, partage avec tous les lecteurs de La Rochelle info, cet ancien texte, actualisé.

Gérald Todaro

Todaro Gérald – Hommage à mon frère José

L’année avait pourtant bien débuté !

Je vous parle de l’année 2002. Le premier janvier, l’Euro entrait en vigueur et les Français se procuraient joyeusement des sacs de pièces qu’ils découvraient. Puis vint février, les jeux olympiques de Salt Lake city.

Le 8 février, Carole Montillet devenait championne olympique de descente et nous permettait d’entendre La Marseillaise résonner fièrement sur les cimes du monde.
Le 12 février, Slobodan Milosevic était traduit devant le tribunal pénal international de La Haye pour crimes de guerre, crime contre l’humanité et génocide. Un procès qui faisait enfin souffler sur la vieille Europe un vent de justice purificateur.
Oui, l’année avait vraiment bien débuté.

Février mourut dans la froideur des dernières gelées nocturnes, mars nous offrit quelques giboulées, puis le printemps, avant que ne se profile à l’horizon la douce silhouette du mois d’avril.
Oui, l’année avait réellement bien commencé.

Le dimanche 7 avril arriva, escorté de ses premiers cafés pris en terrasse, suivi d’un dimanche 14 avril enthousiaste qui nous offrait des premiers déjeuners en extérieur partagés entre amis.
L’année avait vraiment bien débuté.

Avant que ne surgisse le dimanche 21 avril 2002, un dimanche hautain, prétentieux et détestable qui allait nous jeter au visage nos manquements et nos égarements en permettant à Jean-Marie Le Pen d’être présent au second tour de l’élection présidentielle. Je me souviens de cette France redécouvrant subitement qu’elle avait une conscience, je me souviens de ces deux semaines françaises toutes entières dédiées à empêcher l’impensable de se produire, je me souviens d’une nation toute entière qui, dans un dernier élan fraternel, était enfin parvenue à vaincre la bête. Jacques Chirac se dressait alors en chevalier salvateur et l’emportait au soir du 5 mai 2002 en recueillant plus de 82 % des suffrages exprimés. Bien plus que la victoire du Président Chirac, il s’agissait du triomphe d’une France profondément attachée à ses valeurs républicaines. Cette France s’était rassemblée, une France unifiée qui pouvait parader dans les rues et savourer son bonheur, comme quatre ans auparavant, un doux soir de juillet 1998. La France souriait, la France criait, la France chavirait, ivre de joie et osait hurler son bonheur jusqu’à en faire rougir l’arc de triomphe et vaciller la tour Eiffel. La bête était vaincue, touchée en plein cœur et promise à l’agonie.
Du moins le croyait-on…

« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ». Cette phrase prononcée par Winston Churchill en 1936 semble avoir glissé des lèvres du vieil anglais au chapeau et au cigare il y a de cela seulement quelques jours. Car la bête n’est pas morte, le pieu n’était sans doute pas suffisamment enfoncé, ou pas suffisamment près du cœur. Ce cœur qui, depuis quelques jours, bat plus fort dans nos fières poitrines et dont les battements incessants rythment la guérison de notre chère France. Nous avons tous pansé ses plaies, nous avons tous laissé glisser notre souffle chaud sur ses cicatrices. Lors du discours inaugural qui avait suivi sa prestation de serment le 20 janvier 1961, John Fitzgerald Kennedy avait interrogé ses compatriotes dont il devenait Président : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ! »

Les tristes événements récents ainsi que le sombre ciel de France nous invitent aujourd’hui à nous poser cette question.
Que pouvons-nous faire pour notre pays ?

Nous pouvons oublier d’être lâches ! Nous pouvons faire preuve de courage !

Aristote écrivait que « le véritable courage est celui qui s’applique aux plus grands maux et dangers ».
Le temps est donc venu de faire preuve du plus grand et du plus noble des courages. Nous devons pleinement prendre la mesure de l’instant crucial que nous vivons car nous sommes tous soudainement devenus, bien malgré nous, des acteurs centraux de l’histoire de notre pays. Un pays embarqué aujourd’hui sur un radeau à la dérive que les appareils politiques pachydermiques et les viles manœuvres politiciennes n’ont jusqu’alors pas réussi à secourir en s’avérant incapable de donner naissance à une unité républicaine à présent devenue vitale. Une unité qui ne parvient jamais à dépasser le stade d’esquisse tant ses projets, pourtant ambitieux, sont continuellement torpillés par d’éternels clivages, par d’obscures manœuvres de division dues à des responsables politiques aux egos plus qu’exacerbés et incapables d’inscrire leur démarche dans un réel mouvement collectif. Une unité sans cesse assaillie par de pitoyables calculs mesquins uniquement destinés à servir des ambitions personnelles et des destins égoïstes. Des comportements extrêmes, des attitudes démagogiques dont nous ne cessons de récolter les fruits amers : la méfiance et la peur.
La méfiance à l’égard d’une classe politique autolâtre qui détient les rênes du pouvoir et qui semble pourtant ne plus parvenir à contrôler la situation. Comme si la France était subitement devenue un carrosse tiré par un attelage de pur-sangs emballés dans un galop infernal que plus aucun cocher ne pourrait ramener à la raison. La France se perd dans ces méandres tortueux, sur ce terreau de méfiance qui a permis la prolifération des peurs.
Nous voici replongés en 1976, le 18 février, quand Roger Gicquel annonçait en ouverture du journal télévisé de TF1 : « La France a peur ».
Mais peur de quoi ? Et pourquoi la France devrait-elle avoir peur ?
Osons donc faire face en nous inspirant de nos prédécesseurs, Paul Morand, « la peur a détruit plus de choses en ce monde que la joie n’en a créées », Tahar Ben Jelloun, « la peur, c’est l’enfant en nous qui panique » ou encore Nicolas Boileau, « souvent la peur d’un mal nous conduit dans un pire ». 
Ne fabriquons pas nos propres peurs ! Ces peurs qui n’engendreront que la défiance, le rejet, la scission, l’explosion. Luttons en osant enfin l’union, sans afficher une attitude de réaction épidermique exagérée et inappropriée mais en nous inscrivant dans une grande démarche constructrice et fondatrice d’un vrai rassemblement autour de valeurs qui ne seront plus bassement politiques mais grandement républicaines. Des valeurs qui coulent dans nos veines, des valeurs qui sont notre histoire, des valeurs qui sont notre identité : liberté, égalité, fraternité…
Erigeons ensemble des remparts autour de ces précieuses valeurs, des valeurs que nous avons parfois négligées mais dont la préciosité nous apparaît aujourd’hui dès lors qu’elles sont en danger. Dressons-nous pour lever des remparts faits d’un matériau à la noblesse inégalée, des remparts faits de notre pierre identitaire, cette pierre si dense, si dure qu’elle ne pourra jamais craindre les supplices du temps ou de l’adversité.
Car aujourd’hui doit être un jour nouveau.
Car aujourd’hui doit être le premier jour de notre nouvelle vie.
Car aujourd’hui est venu le jour de nous redresser fièrement.

Nous ne pouvons accepter de baisser les yeux et le front dans un élan national, nous ne pouvons plus accepter de courber docilement l’échine en offrant à l’actualité le masque de la fatalité. Nous devons dans un gigantesque élan fraternel remettre NOTRE FRANCE en marche.
Fière et debout ! Volontaire et opiniâtre ! Inébranlable et obstinée ! Une France à notre image ! Une nouvelle France comme une seconde chance ! Une nation hiératique forgée autour d’une notion de fraternité sacralisée. Une France fraternelle amoureuse de son identité plurielle.

Ce sont toutes ces raisons qui m’invitent à m’adresser à vous aujourd’hui, guidé par cette grande idée que j’ai de mon pays au moment où je vous livre ces quelques phrases. Des mots juxtaposés, choisis, pesés qui ne sont pas uniquement destinés aux responsables politiques, aux décideurs, aux sociologues, aux militants, aux convaincus mais qui sont avant tout destinés à l’homme et à la femme qui sommeille en chacun de nous. Des mots destinés à toute une France qui n’oppose au climat actuel qu’un mécontentement abstentionniste. Des françaises et des français lassés de leurs représentants politiques, lassés des politiciens traditionnels qui n’apparaissent plus que comme des professionnels de la politique qui n’ont plus aucune considération pour la noblesse de la fonction politique et plus aucun respect pour la sacralité du principe même de l’élection et pour l’idée de république au sens premier, « Res publica », la chose publique, un concept qui se réfère à un État gouverné au moins partiellement en fonction du bien du peuple, par opposition à un État gouverné en fonction du bien privé des membres d’une classe ou d’une personne unique.

Une France à laquelle je souhaite m’adresser afin de lui demander de se faire entendre, de s’exprimer pour pleinement exister. Des mots offerts à tous les cœurs et toutes les oreilles. Parler à l’homme, parler à la conscience de l’homme, simplement parler au parti des hommes. Bien loin de n’être qu’une utopie, je vis cet instant comme une volonté farouche et indestructible de témoigner mon attachement à ce pays, de lui témoigner mon extrême fidélité dans ces moments difficiles, de lui témoigner mon incommensurable reconnaissance pour les valeurs qu’il a su me transmettre et qui ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui.
Je vous demande donc aujourd’hui de faire opposition aux deux extrêmes ! Je vous demande de m’aider à affirmer ce besoin d’être utile et de prendre avec moi cet engagement identitaire d’adhérer à cette nouvelle idée de la représentation politique car nous détenons encore ce précieux pouvoir de faire quelque chose pour notre pays en unissant nos forces.

 Je vais conclure en me permettant de paraphraser Martin Luther King lors de son fameux discours du 28 août 1963 : « I have a dream ! » Je fais un rêve…
Moi aussi je rêve…Moi aussi je fais souvent le même rêve.
Je rêve que je suis devenu un vieillard, un vieillard comme tous les autres vieillards, un vieillard qui rend trop souvent visite à son médecin, très souvent à son pharmacien, un vieillard qui joue aux cartes, un vieillard qui regarde la télévision en s’endormant mais un vieillard qui a conservé le plus précieux des privilèges. Je rêve que je suis devenu un vieillard qui ose encore regarder ses enfants dans les yeux car je suis toujours fier de la France que j’ai réussi à léguer à mes fils. Voici mon rêve !
Alors je vous invite à rêver avec moi ! Chacun doit rêver de léguer égoïstement à ses enfants une France dont il sera fier et nous devons tous rêver fraternellement de léguer à tous nos enfants un pays digne de celui que nos pères nous ont laissé en héritage. Nous devons tous rêver de pouvoir toujours regarder nos enfants dans les yeux, fièrement et avec amour. Et ce rêve est à portée de main, il ne tient qu’à nous de le réaliser en nous réunissant autour d’une opposition radicale face aux extrêmes afin de devenir des acteurs majeurs de l’histoire en nous inspirant des grands hommes qui nous ont précédés ! Nous pouvons être forts ! Ensemble ! Rassemblés autour de la statue titanesque de la fraternité, nous pouvons aujourd’hui agir sur le cours de l’histoire car nous détenons dans nos mains un pouvoir insoupçonné, l’énergie de notre identité, nous détenons la force de nos consciences.

Les hommes font l’histoire et l’histoire juge les hommes. Elle jugera certainement très sévèrement tous ceux qui auront laissé la peur dévorer leur conscience…

 Il était une voie…

Cette voie dont je souhaite vous parler, c’est la vôtre. Mais c’est aussi celle de vos conjoints, de vos enfants, de vos parents, de vos amis. C’est la voie de toutes celles et ceux qui suffoquent aujourd’hui de ne pas être entendus, à défaut d’être écoutés. C’est la voie de toutes celles et ceux qu’un pays qui avance tête baissée a accepté d’abandonner le long d’un chemin tortueux, méprisant ces femmes et ces hommes dont il a fait des citoyens génériques anonymes, allant jusqu’à en oublier une devise qui n’est plus qu’un symbole bien qu’elle soit toujours frappée sur les pièces de monnaie « liberté, égalité, fraternité ».

Que reste-t-il de ces nobles mots aujourd’hui ? Les fumerolles du souvenir, rien de plus. Cette voix, c’est celle de toutes ces françaises et ces français blessés de voir cette France aux souliers de plomb, perdue dans les rouages infernaux d’un système dont l’essoufflement ne parvient plus à masquer les manquements et devenue l’antithèse de la république au sens étymologique, la chose publique, le bien public, qui nous appartient, à toutes et à tous, égalitairement et fraternellement. Cette voix, c’est la voix de toutes ces volontés farouches désireuses de réformer une classe politique oligarque qui n’a plus aucune considération pour la noblesse de la fonction politique, allant jusqu’à en oublier le fondement du principe même de l’élection : désigner nos représentants afin qu’ils défendent au mieux nos intérêts, en acceptant d’aller jusqu’à en oublier leurs intérêts personnels.

Mais cette voie, c’est aussi la mienne, Gérald Todaro, nait en France en 1971, d’une mère française et d’un père immigré italien. Je suis profondément attaché à ce sol français qui m’a vu naître, dans lequel j’ai puisé jusqu’à mon identité et qui a fait de moi un citoyen foncièrement épris de cette idée de France plurielle car la vraie richesse d’une société et donc par extrapolation, d’une nation, naît de la diversité. C’est cette ambition de nouveau rêve français qui m’anime et qui m’invite aujourd’hui à me présenter à vous. Un rêve où chacun pourrait offrir à la France ses différences, dans un grand élan fraternel afin de permettre à chacun d’entre nous d’avoir le privilège de revivre cette France comme une seconde chance. Il faudra pour cela accepter de profondément réformer un modèle structurel qui a trop vécu. Réformer en parvenant à faire rimer ambition avec raison. Avec réflexion, avec méthode, avec bon sens, avec humanité. Réformer en permettant à l’Humain d’y retrouver une place centrale, d’en être le noyau, le véritable centre de gravité afin qu’il parvienne à oublier qu’il n’en était jusqu’alors qu’un vulgaire satellite. Réformer en octroyant à l’ambition collective l’immense privilège d’étouffer tout embryon de cette traditionnelle ambition purement individuelle et tellement empoisonnante. Il suffirait pour cela qu’un devienne cent, puis mille, dix-mille, cent-mille. Il suffirait que toutes ces gorges d’où s’élèvent ces voix poursuivent leurs gargarismes au sirop d’André Gide : « Le monde ne sera sauvé, s’il peut l’être, que par des insoumis ». (ni comprenez surtout pas l’allusion au parti) Il suffirait que toutes ces voix s’élèvent ensemble. Il suffirait que « il » devienne « ils ». Il suffirait que « je » devienne « nous ». Il suffirait d’un rien pour contraindre les élites à baisser leurs yeux…

Il m’arrive souvent de penser à mon grand-père. Je me demande ce qu’il penserait de ce qu’est devenue sa France et de son rapport aux autres, à tous les autres.  Il me semble qu’il en attendait autre chose, tout du moins qu’il en espérait autre chose, une autre fin.

Gérald et José Todaro DEUX BI-NATIONAUX QUI EMM…LES EXTREMES.