A bientôt 50 ans, Gaëlle Marceau est une femme qui aime les défis professionnels. Aujourd’hui, son expertise et son savoir-faire l’ont conduite à coacher des entrepreneurs de la cité maritime.

Par où commencer lorsque l’on ne rentre dans aucune case ? Pour entamer la discussion, Gaëlle Marceau se raccroche à la pyramide de Maslow. Un concept qui permet de hiérarchiser les besoins des individus. Les besoins physiologiques et de sécurité constituent le socle de cette pyramide, “Mais pas chez moi », assure la bientôt quinquagénaire. « J’ai toujours mis à mal ma sécurité pour ma liberté.”

Le ton est donné. Gaëlle Marceau est une femme qui navigue d’un univers à l’autre, d’un métier à l’autre, avec une aisance déconcertante. “J’ai plaqué de nombreux boulots avec un bon salaire. J’ai toujours peur de dépendre de quelqu’un ou d’un patron et de me mettre en péril », défend-t-elle à plein poumons.

Gaëlle Marceau. Photo LRi- Amanda BRONSCHEER

Épauler les gens

N’allez pas y lire une instabilité : pas du tout. Elle sait où elle va, déterminée dans chacun de ses projets et c’est bien là sa force. Manager chez France Télécom, consultante au conseil général du 77, décoratrice d’intérieurs, son CV est un vrai kaléidoscope, mais une ligne directrice s’est dessinée au fil des ans : accompagner les gens.

Entrepreneuse hors pair elle crée sa propre entreprise d’architectes d’intérieurs. Le succès est au rendez-vous. “En tant que femme je bossais quatre fois plus. Ma fille était souvent malade et je me souviens la garder tout en étant au bureau pour bosser”, rapporte-t-elle.
Engagée dans l’association 100 000 entrepreneurs, le peu de temps dont elle dispose, elle le met au profit des étudiants. “J’allais dans les écoles pour parler de la réalité de l’entrepreneuriat”. Inarrêtable.

Deux diplômes de plus

décoration statue silhouettes qui gravissent un escalier
Gaëlle Marceau décroche deux diplômes : un en psychologie du leadership et un autre en tant que coach de vie.

En 2017, elle atterrit dans la cité maritime et se forme en coaching pour le développement personnel. “J’ai passé deux diplômes les uns à la suite des autres, un en psychologie du leadership et un autre en tant que coach de vie. J’ai essentiellement aidé des entrepreneurs à redevenir leader de leur vie et c’est ça qui m’a nourrie”, indique cette femme à l’énergie inspirante.

Pour gagner sa vie, elle se lance dans l’immobilier, un peu par hasard. Mais elle est douée et se fait vite remarquer. Passionnée par la PNL (programmation neuro-linguistique), on la sollicite au sein de son réseau IAD pour manager les équipes. Et ça marche là aussi du tonnerre de Dieu.


La Rochelle info : Qu’est-ce que vous évoque le sujet de la discrimination au travail ?

Gaëlle Marceau :  » Oui bien sûr. Je dois avoir une vingtaine d’anecdotes, mais en voici deux au choix.

Je me souviens très bien d’un déjeuner d’affaires avec les membres du siège d’une très grosse entreprise française. Que des hommes. Après avoir parlé du sujet de fonds concernant nos contrats commerciaux, la conversation dérive sur le temps passé par les enfants sur les jeux vidéos et réseaux sociaux. L’un d’entre eux annonce fièrement à ses associés qu’il a signé un contrat officiel avec ses enfants, permettant de limiter le nombre d’heures passées sur les réseaux ou jeux vidéo par jour. Intriguée, je lui demande « comment savez-vous que le contrat est respecté quand vous êtes au travail ? ». Il me regarde avec un petit sourire narquois et me répond : « Mais Gaëlle, on a des femmes pour ça ! » (j’étais d’ailleurs la seule qu’il appelait par son prénom). Et ils sont tous partis en fou rire…

J’organise une rencontre avec de grands patrons d’entreprise dans le cadre d’une négociation commerciale. Je connaissais le dossier par cœur et j’avais tout préparé. Au moment du rendez-vous, mon patron me stoppe et me demande de ne pas participer au rendez-vous. Je l’interroge sur la raison et il me répond en éclatant de rire « il vous manque juste un truc entre les jambes ! »

LRI : De la même manière qu’est-ce que le harcèlement au travail vous évoque ?

GM : « J’avais été intégrée à une structure avec de grosses responsabilités. Ce qu’on avait oublié de me dire c’est que ces responsabilités relevaient jusqu’alors de la vice-présidente qui était devenue colérique et caractérielle et qu’il fallait doucement écarter de la relation clients et élus… Sauf que personne n’osait l’affronter et qu’à elle non plus ils ne l’avaient pas dit… Du coup, moi naïvement je commence mon travail et intègre des commissions très importantes avec des élus et autres institutionnels, sans me cacher car j’avais été recrutée pour ça et surtout je ne savais pas que je prenais la place de quelqu’un… Sauf que quand elle a compris, elle m’a pourri la vie au quotidien et a saboté tout ce que je faisais. Petit à petit je perdais toute confiance, et même mon caractère. Jusqu’à trembler en allant au travail (ceux qui me connaissent n’y croiront pas). Un jour, en réunion devant une dizaine de personnes, elle m’accuse ouvertement d’une faute que je n’avais pas commise, je me défends et elle coupe court à la conversation. J’insiste en disant que je ne peux passer une telle accusation en public sans me défendre, et elle lève la main sur moi devant tout le monde… La réunion a été stoppée nette et quelques heures plus tard, le président m’annonçait en privé qu’il était sincèrement désolé pour moi et que je n’avais fait aucune faute, mais que passé la porte, il nierait tout… J’ai bien sûr quitté la structure et ça a été la chance de ma vie. »

LRI : Selon vous, qu’apporte la journée internationale des droits des femmes ?

GM : « Pour moi cette journée est un peu comme un traitement de fonds dans une douleur chronique… Je pense qu’elle permet de rééquilibrer les choses car on a encore tellement d’inégalités dans les faits ! Il y a un énorme décalage entre la conscience collective et la réalité. Beaucoup d’hommes aujourd’hui affirment clairement que les femmes sont plus fortes, plus organisées, de meilleurs managers… Mais au quotidien on perd souvent sur le terrain de la guerre d’ego… »

LRI : Quel conseil ou leçon avez-vous appris et qui est devenu une ligne de conduite aujourd’hui ?

GM :  » J’ai longtemps voulu cacher mes faiblesses de peur de ne pas trouver ma place dans un monde d’hommes, surtout en tant que cheffe d’entreprise. Dans le milieu de l’architecture d’intérieur en particulier, très masculin et entouré d’hommes y compris sur les chantiers… Mais aujourd’hui j’ai compris que j’attirais à moi des clients qui me ressemblaient en étant la plus authentique possible. Mon niveau d’engagement est tellement fort que je souffre par exemple de terribles migraines depuis longtemps. Je suis suivie en milieu hospitalier dans le cadre de protocoles très particuliers. Pendant très longtemps, je ne voulais surtout pas que les clients pensent que ça puisse affecter mon travail, alors je prenais sur moi… Sauf qu’en fin de journée je finissais très mal. Aujourd’hui j’ai cassé l’image de working-girl-machine de guerre qui me pesait trop. Je parle de douleurs ici mais c’est valable aussi pour des moments de vie difficiles. Il n’est évidemment pas question de raconter sa vie à nos clients, mais il faut se respecter car notre corps est notre seul véhicule. »