Le plasticien rochelais Olivier Rocheau affiche de nouveau son art sur les murs de La Rochelle. Cette fois-ci, son inspiration s’exprime sur une façade de maison située 3, rue de La Noue, entre la préfecture et la place de Verdun à La Rochelle.
L’artiste a intitulé son œuvre « La liberté par capillarité », en écho aux mouvements de révolte en Iran.
S’agit-il d’une œuvre éphémère ?
« Il s’agit d’une nouvelle installation in situ dans la ville de La Rochelle. Comme toutes mes installations. C’est une œuvre éphémère. Elle prend place au 3 rue de la Noue, rue qui prolonge la rue Réaumur entre la place de Verdun et la Préfecture. Elle occupe la façade et la vitrine d’un immeuble à étage. Au même endroit, les Rochelais avaient déjà pu voir « Igor », une création in situ, qui en 2020/21 nous parlait de manière allégorique du confinement suite à la pandémie du COVID 19…L’œuvre est visible 7/7, 24/24 depuis la rue. »
Où avez vous travaillé ?
« Mon installation a été conçue et réalisée à l’atelier. Puis installée sur la façade de cet hôtel particulier mi-mai 2023. »
Combien de temps cette œuvre vous a demandé de travail?
« L’élaboration mais surtout la réalisation des différents tableaux m’ont demandé beaucoup plus de temps qu’à l’accoutumé étant donné la finesse et la complexité du dessin. En amont, j’ai également pris le temps rechercher le meilleur moyen de parler de mon sujet : la révolte des femmes en Iran et la manière de représenter ce qui est devenu le symbole de cette révolution : les cheveux. J’ai également longtemps travaillé sur deux pistes différentes, entre un capillaire laissé libre ou en représentant une frange coupée, signe du deuil traditionnel en Perse. J’ai finalement opté pour la première représentation. »
Que souhaitez-vous exprimer au travers de ce travail ?
« Au départ, je voulais représenter un travail floral géométrique et coloré à l’instar de mon travail habituel, et puis la révolte des femmes – et de d’une grande partie de la population en Iran – avide de liberté, après le décès de Mahsa Amini est venue bousculer ce premier projet qui était alors bouclé. Je n’avais plus que ça en tête, et comme souvent dans pareil cas je ne pouvais plus ne pas tenter de mettre en forme ce sujet – devenu mon sujet- et cette révolte, qui me consume en même temps qu’elle me donne beaucoup d’espoir. J’ai laissé tomber les fleurs et j’ai choisi de représenter un capillaire dense, libre, comme un pied de nez à l’oppression de la police des mœurs en Iran. Cela dit, le traitement reste très « Rocheau » c’est-à-dire à la fois très graphique et avec une bonne dose d’humour. C’est une coiffure qui interpelle, dans son traitement graphique. »
Pourquoi avoir intitulé votre œuvre ainsi ?
« J’ai intitulé mon œuvre « la liberté par capillarité » pour faire le lien évident avec le symbole allégorique des revendications mais aussi pour parler/dire/montrer le lien, ce fil capillaire invisible, « sous terrain »qui nous relie tous, petite ou grande humanité (dans le combat, dans nos valeurs) quand il s’agit de liberté à défendre contre l’oppression, d’où qu’elle vienne…quoi qu’il en coûte et où que l’on soit… »
Cette œuvre a-t-elle été facile à créer ?
« Il y a des œuvres plus faciles à produire que d’autres. Ce ne sont pas toujours celles auxquelles on pense. Un travail coutumier peut avoir du mal à prendre forme. Pour des raisons d’échelle, d’espace, des raisons techniques ou chromatiques, lorsqu’une installation n’est pas encore arrivée à maturité. D’autres pièces au contraire jaillissent d’un seul jet – telluriques- depuis les entrailles d’un terreau artistique insoupçonné. Des œuvres à part, impérieuses. Œuvres de combat, qu’on ne peut pas ne pas porter, supporter. »
Que signifie-t-elle pour vous ?
« Cette œuvre, sur la façade qui a vu naitre un peu de la même façon mon roi « Igor », vient de là…du plus profond, de ce qui me rallie à cette humanité,…En lutte permanente contre ma misanthropie, elle me donne mille raisons d’espérer. Elle dit à la fois ma tristesse, ma colère mais aussi ma solidarité (le mot est faible). Elle dit ma fierté. Elle me rattache à l’homme, à celles et ceux qui combattent au péril de leur vie même, l’injustice et l’obscurantisme, dans un ailleurs qui devient, tout d’un coup, très proche. »