Originaire de Champagne, Nathalie Henriot a pris son ancrage à La Rochelle lorsqu’elle intègre Sup de CO (aujourd’hui Excelia La Rochelle) il y a maintenant 27 ans. Depuis l’Atelier Cannelle à Saint-Sauveur d’Aunis, cette maître artisan ébéniste de renom évoque son parcours dans cette filière artisanale qu’elle a choisie comme un outil pour renaître et redonner du sens à sa vie.

Lorsqu’elle plonge dans ses souvenirs d’enfance, elle évoque avec clarté son grand-père qui lui transmet la fibre du bricolage.
“Dès 4 ans, on m’a mis des outils entre les mains. Je ne tenais pas en place, il fallait m’occuper et pour mon grand-père, même si j’étais une fille, c’était important pour lui de m’apprendre cela”, raconte Nathalie, une occupation qu’elle a elle-même partagée dans son propre atelier avec des deux fils, Lucien et Alexandre.

Coups de marteaux, affûtage des couteaux, elle façonne ses gestes et les laisse dans un coin de sa tête. Issue de la promotion 1997 d’Excelia (ex Sup de Co), elle devient consultante en gestion des temps au sein de la société Gfi.

Et puis son deuxième enfant vient au monde, sa mère tombe malade, les déplacements professionnels que Nathalie effectue régulièrement deviennent de plus en plus compliqués. Le besoin de se recentrer fait surface. La jeune femme n’a pas encore 30 ans et écoute sa petite voix intérieure : “Je voulais observer un résultat tangible de mes journées”, affirme cette entrepreneure.
Nourrie d’une culture des beaux meubles grâce à sa grand-mère, elle décide de reprendre le chemin des études pour devenir ébéniste.

“Premier challenge : Être une femme”

Nathalie Henriot. Photo Amanda Bronscheer

A 30 ans et avec deux enfants en bas âge, Nathalie reprend donc le chemin de la formation. C’est au lycée de Surgères qu’elle obtient un BAC pro ébénisterie. Elle se « retrouve avec des gamins en classe« . Mais qu’importe, elle a son objectif en ligne de mire. Elle décroche son CAP en 2005 et va façonner son savoir-faire au sein de l’atelier Hiou, à Vouhé (Charente-Maritime).
“Pendant 6 ans j’y ai appris mon métier. Le premier challenge au sein de cet atelier c’était d’être une femme. Il fallait assumer le fait d’être la première femme”, témoigne-t-elle.

“Je suis boissologue

Après le décès de sa mère, Nathalie s’octroie une année sabbatique. Un temps précieux pour murir son projet, son propre atelier en adéquation avec elle-même. Atelier Cannelle voit alors jour le 15 octobre 2013. Un nom qui fait écho à sa mamie Jeanne d’Alsace, aux doux souvenirs d’enfance autour des cours de cuisine et puis cette couleur bois qui vit aujourd’hui entre ses mains. 

Atelier Cannelle c’est avant tout une compréhension de l’autre : envie, habitudes de vie et environnement.
“Je me déplace chez les clients et j’essaie de comprendre dans quel contexte de vie ils sont et quels sont leurs besoins. Certains disent que je suis boissologue. Je guide les gens et je les conforte par les meubles que je crée », assure celle qui pense à tout. « J’ai l’œil de maman aussi pour le côté ergonomique et fonctionnel.”

L’ADN de son atelier, ce sont ses bibliothèques, produits phares de son activité. Et puis en 2016, on s’empresse d’acheter sa Méridienne française, une invitation à de délicieuses postures relaxantes. “C’est un concept assez unique et singulier”, décrit sa créatrice.
Aujourd’hui, ses meubles et ses créations se vendent partout en France.

Une distinction les 9 et 10 mars prochains

Nathalie Henriot dans son atelier à Saint-Sauveur-d’Aunis. Photo Amanda Bronscheer

Nathalie Henriot recevra la distinction de maître artisan des métiers d’art les 9 et 10 mars lors d’un événement organisé par Soroptimist en partenariat avec la Chambre des métiers de La Charente-Maritime. Un statut qui vient récompenser son savoir-faire, mais aussi dix ans de créations pures et de transmission, un univers qui lui tient à cœur, elle qui guide désormais les autres dans leur quête de sens.

La Rochelle info : Qu’est-ce que vous évoque le sujet de la discrimination au travail ? 

Nathalie Henriot : « Je me souviens que tout au début il fallait que je justifie pourquoi je voulais faire ce métier-là car j’avais 30 ans et que je suis une femme. Alors que n’importe lequel des stagiaires de 16 ans avait le droit de choisir la menuiserie et l’ébénisterie et tout le monde trouvait ça naturel et ne lui posait pas la question.« 

LRI : De la même manière qu’est-ce que le harcèlement au travail vous évoque ?

NH : « Je n’ai jamais été harcelée. J’avais l’âge d’être la fille de chacun des salariés dans l’entreprise ils m’ont accueillie, formée et transmis leur métier comme si j’étais leur propre fille.« 

LRI : Selon vous, qu’apporte la journée internationale des droits des femmes ?

NH : « J’espère qu’un jour elle sera désuète parce que l’on aura une reconnaissance de nos savoir-faire et de nos savoir-être d’égale à égale sans pour autant annihiler l’univers des hommes. »

LRI : Quel conseil ou leçon avez-vous appris et qui est devenu une ligne de conduite aujourd’hui ?

NH : « Dans ce métier-là j’ai perçu l’humilité, la persévérance devant le bout de bois, devant la machine, devant la quincaillerie et le fait d’être patiente et tenace jusqu’à ce que l’on obtienne l’objet que l’on doit exécuter. »