34 maires de grandes villes de France ont signé une Tribune pour exiger une réglementation plus stricte concernant les meublés touristiques.

Le constat hexagonal est le suivant : en quelques années, un million de logements ont quitté le marché locatif de longue durée pour se transformer en meublés de tourisme. C’est une transformation majeure de l’offre de logement, qui a contribué à une diversification des publics et des usages touristiques, mais qui provoque désormais d’importantes tensions : l’accès à un logement reste difficile pour nombre de français, notamment celles et ceux en situation de mobilité professionnelle.

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Alors que le ministre du Logement, Patrice Vergriete a annoncé le 19 novembre vouloir « faire évoluer les outils de régulation » sur les meublés touristiques, qu’une proposition de loi transpartisane arrivera à l’Assemblée nationale cette semaine, et que les collectivités locales sont confrontées à des procédures juridiques complexes pour « réguler » les meublés touristiques, la Communauté d’Agglomération de La Rochelle et France urbaine ont organisé ce lundi 4 décembre un forum sur les meublés touristiques.

Ce forum avait notamment pour objectif de partager, entre collectivités locales et avec les acteurs concernés, les dispositions prises localement pour observer, encadrer, contenir et orienter les meublés touristiques. De poursuivre le débat sur les transformations provoquées par l’expansion des meublés en termes de vie locale, d’accueil touristique, de stratégie d’attractivité, de politique locale de l’habitat, d’inter-territorialité, etc… Parmi les sujets identifiés : la mesure de l’expansion des meublés, les transformations du marché du logement, l’impact économique, la gestion des données, le nouveau cadre européen, l’état des lieux juridique, les dispositions législatives en cours et à venir…

Trois points clefs

La proposition de loi portée par les députés Inaki Echaniz (PS) et Annaig Le Meur (Renaissance) discutée en séance publique à l’Assemblé nationale doit permettre de faire avancer trois points clefs. « D’une part, la consolidation juridique, pour les territoires qui le souhaitent, des mesures de changement d’usage, de compensation ou de quota. D’autre part, l’intégration des meublés dans les obligations liées à la transition énergétique, via le Diagnostic de Performance Energétique, afin d’éviter les effets d’évitement par les propriétaires de meublés. Un logement ne peut pas être mis en location sur une plateforme touristique s’il est une passoire thermique. Enfin, l’équité fiscale entre les différents formats locatifs, par la mise en place d’un abattement identique, à 40%, sauf pour les gîtes ruraux, les maisons d’hôtes et les biens situés dans les stations de ski. Les discussions engagées sur le projet de loi « logement » et sur un nouvel acte de décentralisation permettront de consolider et élargir ces avancées indispensables à l’exercice d’une compétence logement adaptée aux caractéristiques de chaque territoire. »

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Ce rendez-vous sur les meublés de tourisme a également donné lieu à la publication d’une tribune. Elle est signée par 34 maires ou présidents d’agglomérations ou métropoles, dont le maire et président de l’agglomération de la Rochelle.

Tribune

« Les meublés de tourisme opérés par les plateformes connaissent une croissance exponentielle depuis 2008. Les territoires péri-urbains et ruraux sont impactés par ce développement accéléré par les avantages fiscaux bénéficiant aux propriétaires.
Des quartiers de communes périphériques des grandes villes sont atteints, où des dizaines de meublés sont créés chaque mois. Un meublé touristique rapporte 2,5 à 3 fois plus qu’une location classique. Un abattement forfaitaire de 71 % s’applique actuellement pour les meublés touristiques classés, contre 30 % pour les locations classiques vides. Près d’un million de meublés de tourisme se sont substitués à des logements « classiques ».
L’expansion des meublés atteint des proportions qui participent des déséquilibres majeurs que connait le marché du logement et relèguent des populations fragiles en dehors des centralités urbaines. Elle alimente aussi les tensions provoquées par le surtourisme et entraîne d’importantes modifications de la vie locale.

Les élus locaux ne peuvent rester indifférents et inactifs face à cette situation. France urbaine, qui regroupe les métropoles, grandes agglomérations et grandes villes françaises, alerte le gouvernement depuis plusieurs années et s’est heurtée à une approche favorisant la libéralisation et la désintermédiation de ces activités. L’application aux meublés de la taxe de séjour et la création du numéro d’enregistrement ont permis de disposer de données plus qualifiées mais le plafonnement à 120 jours, assez généreux (30 jours à Amsterdam, 31 à Barcelone), est facilement contourné par les plateformes et les loueurs professionnels.

En France, les collectivités qui mettent en place des dispositifs de régulation sont systématiquement attaquées en justice. Les élus engagés sur le sujet sont mis sous pression, voire menacés. L’extension récente des communes « sous tension » permet de renforcer les outils fiscaux de régulation et étend le champ géographique des contentieux. Les Jeux Olympiques pourraient inciter à de nouveaux reports de mesures de régulation plus fortes. Les communes et intercommunalités doivent se doter de moyens juridiques, financiers et humains permettant de mettre en œuvre et contrôler les dispositions régulatrices des meublés.

Les engagements de plusieurs ministres nous ont laissé espérer des évolutions via le PLF pour 2024, notamment sur l’abattement fiscal favorisant les meublés de tourisme. Hélas, les arbitrages rendus via les premiers 49.3 ont abouti à des dispositions timides. Nous renouvelons notre demande d’un alignement des mesures d’abattement lors des prochaines étapes d’examen du PLF. Parallèlement, la proposition de loi transpartisane doit comporter des mesures fortes et claires sur : le changement de destination, la consolidation juridique des règles de compensation, l’expérimentation de quotas, les règles de transmission transparente des données par les plateformes, la création d’un statut de loueur touristique et l’élargissement du DPE aux meublés de tourisme. Si elle intègre tout ou partie de ces dispositions, nous la soutiendrons.

Au-delà de ces mesures d’urgence, le travail récemment annoncé sur une nouvelle étape de décentralisation et sur une loi logement pourront porter des mesures plus structurelles et mettre les intercommunalités volontaires en responsabilité sur la compétence logement.
Pour être efficaces, nous devons bénéficier des pouvoirs réglementaires liés aux régulations du marché : encadrement des loyers, du marché foncier, surtaxation des logements vides, droit de préemption renforcé.
Nous devons disposer de moyens financiers supplémentaires en faveur de la rénovation énergétique : des capacités réglementaires et budgétaires que chaque territoire pourra adapter à sa réalité, territoires attractifs ou en déprise.
Nous sommes prêts à prendre et assumer nos responsabilités. Nous attendons de l’État qu’il en fasse autant. »